CONSEILS DU CŒUR

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Intellect ou émotions

517 Impermanence

517 Impermanence

En ce moment, si je me sens bien dans les formes et les couleurs, et prêt à continuer à peindre si j’en avais le temps, je suis un peu confus par rapport aux mots et aux idées, à la pensée conceptu­elle, intellectuelle, logique, mais plus proche des émotions et intuitions sans relation verbale. Curieusement d’ailleurs, en écoutant hier soir le bel enseignement de Tan Santikaro*, je trouvais ses mots tout à fait séduisants, mais ils ne semblaient pas correspondre à mon expérience : c’étaient deux choses séparées. En relisant Ayya Khema*, j’ai la même impression : l’enseignement est beau, clair et convaincant, mais comment le mettre en pratique ? Relire même cent fois ces belles paroles ne semble pas pouvoir modifier mes réactions émotionnelles. 

Il me semble que ce n’est pas au niveau intellectuel et verbal que les transformations peuvent s’effectuer, mais à un autre niveau : en se plongeant dans la vie, les expériences, les émotions, même si elles sont négatives ; et alors quelque chose de profond est secoué, remué, transformé… L’approche intellectuelle ne semble toucher que la surface : l’effet est superficiel et n’affecte pas la nature profonde de l’être. C’est je crois le résultat de ce que j’ai appris avec Lama Gangchen : une approche tout à fait différente que je ne maîtrise pas encore. Faut-il quand même la relier à une compréhension verbale, que je trouverai peut-être dans les enseignements de Sogyal Rinpoché où, par moments, on quitte complètement la logique scientifique, rationnelle et pragmatique du theravada* pour s’envoler dans le mysticisme et l’émotion pure. 

C’est là que je comprends un peu la différence entre hinayana*, mahayana* et vajrayana* et leurs puissances respectives. Je sens que c’est le moment d’user de moyens plus puissants, même s’ils sont plus dangereux ! Mais il faut avoir assez de calme et de réflexion pour ne pas se laisser détourner ou emporter et, pour cela, je sens les qualités d’un endroit comme Suan Mokkh* et je regrette de ne pas pouvoir y rester un peu plus longtemps. Mais c’est comme ça. Il faut que je m’habitue à un rythme effréné, avec tous les voyages et projets pour 1991 : c’est stimulant, mais c’est un défi. 


* Santikaro (Tan) : enseignant bouddhiste, traducteur et militant américain, ordonné moine en 1985. Il résida pendant quatorze ans à Suan Mokkh, où il enseignait et dirigeait des retraites de méditation pour les Occidentaux. Il retourna aux États-Unis en 2001 et, après avoir quitté la robe en 2004, fonda Liberation Park, une communauté bouddhiste dans le Wisconsin. Il est l’un des principaux traducteurs de l’œuvre d’Ajahn Buddhadasa en anglais.

* Khema (Ayya) (1926-1997) : née à Berlin, Ayya Khema fut ordonnée nonne en 1979 au Sri Lanka. Elle enseignait le bouddhisme theravada et la pratique des jhanas, les absorptions méditatives. Elle fonda en 1978 le Wat Buddha Dhamma, un monastère de la forêt situé en Australie, où j’ai fait ma première retraite avec elle en février 1990 (voir mon livre Le parfum de l’éveil). Elle fut ensuite mon principal maître spirituel jusqu’à sa mort. 

Theravada (pali) : littér. doctrine des Anciens. Seule école du bouddhisme hinayana – le petit vé­hicule – qui ait subsisté jusqu’à nos jours, le theravada est considéré comme la forme la plus ancienne du bouddhisme, et son Canon, rédigé en pali, serait la transcription fidèle des enseignements du Bouddha. Le theravada est pratiqué dans les pays du Sud-Est asiatique : Sri Lanka, Birmanie, Thaïlande, Laos, Cambodge.

Hinayanamahayana et vajrayana (sanscrit) : dans le bouddhisme, le petit véhicule, le grand véhicule et le véhicule de diamant. 

* Suan Mokkh : monastère de la forêt fondé par Ajahn Buddhadasa. Suan Mokkh signifie littéra­lement « le jardin de la libération ». Ordonné moine à l’âge de vingt ans, Ajahn Buddhadasa (1906-1993) fonda en 1932 le monastère de Suan Mokkh, qui fut le premier monastère de forêt dédié à la méditation dans le sud de la Thaïlande. Son dernier projet, à la fin des années 1980, fut d’établir à Suan Mokkh un centre international de Dharma, Suan Mokkh International, qui organise régulière­ment des cours et des séminaires sur le bouddhisme et des retraites de méditation. Ajahn Buddha­dasa fut, avec Ajahn Chah, un des maîtres thaïlandais les plus influents du vingtième siècle. J’ai eu la chance de suivre son enseignement de 1988 à 1993. 

 

20 décembre 1990, Suan Mokkh

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