Purifier le cœur
J’ai commencé un grand tableau, Les soixante-quatre hexagrammes du Yi Jing (705). Je ressens le besoin d’exprimer quelque chose par la peinture : cela me rend heureux. J’ai trouvé de l’inspiration dans la lecture de deux nouveaux livres.
Figures de l’immanence, de François Jullien : mon cœur balance entre l’immanence du Yi Jing* et la transcendance dont parlent les gourous ; la deuxième m’attire, mais mon manque de foi me ramène à la première. Je me demandais où se situe le bouddhisme ? Entre les deux probablement, comme voie du milieu qui se respecte !
Et Mon Seigneur aime les cœurs purs, de Gurumayi (Swami Chidvilasananda), sur les vertus. Toute voie spirituelle, quelle qu’elle soit, trouve sa fondation dans la vertu, la discipline : cela, au moins, j’en suis convaincu, même si la pureté de ma vertu est encore bien loin de celle des sages. Le manque d’énergie et la dispersion mentale sont les obstacles qui semblent s’opposer à mes progrès dans ce domaine.
Simplicité et discipline, voilà ce qu’il faudrait que je pratique, tout en respectant les engagements que je me suis fixés : la construction de la maison et les autres projets du Tao Garden*, ainsi que l’enseignement, l’exposition de Zurich, mon étude du taoïsme et du Yi Jing, et toute la liste de pratiques que je suis en train d’établir. Est-ce compatible ? Où trouver, dans ma vie, un centre, une base immuable, qui n’est pas affecté par les activités, que je peux retrouver quand c’est nécessaire, et qui me permet de progresser sur la voie sans me disperser et m’égarer dans des états d’âme moroses et oisifs ?
Mon problème est que je fais toujours passer le secondaire, le superficiel, le mondain, en priorité ; et il ne reste plus de temps et d’énergie pour l’essentiel. Il faudrait inverser les choses. Mais j’ai toujours peur que les petites contingences matérielles du quotidien ne fonctionnent pas bien. Et c’est pour elles que je m’inquiète, m’irrite, cogite, et tourne en rond pour essayer de les organiser au mieux. Mais est-ce vraiment utile et nécessaire de gaspiller tout ce temps et cette énergie pour ça ? Ce sont des activités à entropie rapide, qui ne créent rien à long terme, et sont toujours insatisfaisantes, car elles reposent chaque jour les mêmes problèmes futiles.
Le livre de Gurumayi m’aide à m’en sortir : il m’a conduit à changer mon état d’esprit et mon attitude. Depuis au moins un an, ils étaient négatifs et égoïstes. J’essaie d’être content, satisfait, heureux, reconnaissant, de prendre les choses du bon côté ; faire mon devoir, mon travail et ma pratique sans rien désirer de plus. Apprécier les beautés de la vie, de la nature, et avoir de la bienveillance pour tous (les ouvriers sur le chantier, les employés du Tao Garden et les autres résidents).
* Yi Jing (chinois) : littér. le classique des changements. Il s’agit du Livre des mutations, un des classiques de la culture chinoise qui décrit 64 situations types représentées par des hexagrammes. Le Yi Jing est un livre de sagesse que les Chinois utilisent depuis plus de trois mille ans comme oracle. Les noms des hexagrammes ainsi les textes du jugement et des lignes mentionnés sont empruntés à la traduction littérale de Cyrille Javary (Yi Jing, le livre des changements, de Cyrille Javary et Pierre Faure).
* Tao Garden : centre taoïste créé en 2004 par Mantak Chia à Doï Saket, près de Chiang Mai. À mon arrivée à Chiang Mai en 1997, j’ai vécu pendant un an au Tao Garden, où j’ai construit une maison.
31 août 1997, Hua Hin